Si vous aimez le Bassin d’Arcachon, et comme moi les belles images, vous connaissez forcement Stéphane Scotto ou du moins certains de ses clichés. Photographe professionnel passionné par le bassin, il est notamment connu pour ses photographies aériennes à couper le souffle ou encore ses images panoramiques sublimant les plus beaux paysages de la presqu’ile et du bassin. Découvrez son parcours, ses coups de coeur, ses coups de gueule, et bien sûr une selection de ses photos , à travers cette interview riche en anecdotes. Merci Stéphane !

Bonjour Stéphane, peux-tu te présenter s’il te plait ?


J’ai 49 ans. Je suis né à Paris. J’ai donc prononcé « pain au chocolat » toute mon enfance, c’est le drame de ma vie :-).

Dès l’âge de 13 ans, je me suis passionné pour le cinéma. Avec les copains on tournait des courts métrages en super 8. Comme j’habitais en banlieue ça m’a peut-être évité de faire des conneries. J’ai fait de courtes études de cinéma et très rapidement, à l’âge de 21 ans, j’ai créé une société de production vidéo avec un camarade de lycée. Nous étions spécialisés dans les captations multi-caméras de concerts et les vidéos clips. Nous étions promus à un bel avenir dans ce domaine mais l’armée s’est rappelée à notre bon souvenir (à l’époque le service national était obligatoire) et nous avons donc dû tout arrêter du jour au lendemain. J’ai signé un contrat avec l’armée de l’air pour partir deux ans en tant que photographe sur la base de Ouakam, à Dakar au Sénégal. Ce fut la plus belle expérience de ma vie. C’est dans ce cadre que je me suis formé aux prises de vues aériennes. Finalement, je suis resté au Sénégal 6 ans et en 1999, ayant la sensation d’avoir fait le tour de la question, j’ai décidé de rentrer en France. Retourner à Paris était inconcevable. Je venais de goûter à la vie au bord de la mer, aux grands espaces et à la liberté, il ne m’était plus possible de vivre dans une grande ville polluée. Pour moi c’était une évidence que je devais poser mes valises sur le Bassin que je fréquentais amoureusement tous les étés depuis ma naissance. Mon grand-père paternel était bordelais et mon père m’amenait en vacances à Arcachon tous les étés. Y vivre était mon rêve depuis l’adolescence ! Il n’y a pas un seul été de ma vie que je n’ai pas passé ici. Même quand je vivais à Dakar, je me débrouillais toujours pour venir au moins deux ou trois semaines, sinon j’étais en manque.

Dès mon installation, j’ai tout de suite eu l’idée de photographier les paysages du Bassin avec un regard contemplatif et artistique dans le but de proposer mes photos au public en tirages grands formats et en édition limitée. J’ai donc ouvert ma première galerie d’exposition en arcachonnie et j’ai commencé à faire des livres haut de gamme. J’ai rapidement compris que si vivre sur le Bassin était une grande satisfaction il fallait néanmoins aussi faire attention à l’enracinement qui peut s’avérer dangereux pour la créativité. Alors j’ai commencé à voyager pour photographier d’autres paysages, rencontrer d’autres mentalités. Et ce qui est formidable c’est qu’à chaque fois, ces petites aventures photographiques m’inspirent pour photographier à nouveau le Bassin avec un regard neuf.

 

J’ai fermé la galerie d’Arcachon en 2011 suite à un conflit avec la mairie et j’ai tenté de m’installer à Cape Cod dans le Massachusetts qui est un peu un Bassin d’Arcachon bis sur la côte Est des USA. A cause de problématiques de visa, ce projet n’a pas pu aboutir, alors je suis parti vivre quelques années dans le magnifique archipel de Guadeloupe que j’ai photographié de long en large. Je passais l’hiver là-bas, et une partie de la saison été sur le Bassin dans ma maison à la Hume. J’ai continué à faire des livres mais le contact avec le public me manquait terriblement. Et je ressentais une frustration terrible de ne plus pouvoir exposer mon travail. Alors en 2017 j’ai ouvert une nouvelle galerie dans le centre de la Hume. Très rapidement j’ai retrouvé mon public, des anciens clients de la galerie d’Arcachon mais aussi de nouveaux passionnés. Face à la banalisation des photos du Bassin qui pullulent sur les réseaux sociaux mais aussi dans les rayons déco de la grande distribution, j’ai compris qu’il fallait se démarquer et je m’adresse aujourd’hui à un public capable d’apprécier la qualité et l’originalité. Je ne me pose aucune limite, je ne cherche pas à plaire au plus grand nombre. Chaque photo, même la plus improbable, fini toujours par rencontrer son acquéreur.

Je ne me mets pas non plus la pression quant à ma productivité. Quand je n’ai plus d’idée, j’arrête tout simplement de photographier le Bassin. Par exemple, en 2018, je n’ai fait aucune photo, zéro déclenchement ! C’est ma façon un peu à moi de respecter ce territoire magnifique mais fragile et qui souffre de plus en plus d’un développement inadapté et d’une sur-fréquentation touristique. C’est pour cela que mes photos ne sont disponibles que dans ma galerie, et mes livres uniquement dans quelques librairies autour du Bassin. Je ne collabore pas avec les offices de tourisme pour les guides touristiques et je refuse catégoriquement de vendre mes droits de reproduction pour tout ce qui est en rapport avec l’immobilier.

Pour moi le Bassin est synonyme de lenteur. Alors je prends mon temps, quitte à en perdre.

 


Tu es photographe professionnel basé à Gujan-Mestras dans le quartier de la Hume, quelle importance a le Bassin dans ton travail ?


C’est l’esthétique du Bassin qui m’a révélé ma passion pour la photographie de paysage mais aussi pour le panoramique qui est une de mes spécialités. Il n’y a pas de relief sur le Bassin et c’est donc un territoire qui se prête à l’horizontalité. Je dis souvent que le Bassin est très cinématographique et romanesque. Je suis de la génération de Mathieu Kassovitz et de Guillaume Canet et j’ai démarré exactement comme eux très jeune, mais le hasard de la vie m’a fait devenir photographe, alors, comme pour soigner cette frustration de ne pas avoir réussi à atteindre mon rêve de gosse qui était de devenir cinéaste, je donne souvent des titres de films et de romans à mes photos. « A l’Est d’Eden » est la photo dont je suis le plus fier.

Une particularité essentielle du Bassin c’est sa grande diversité de paysages dans un si petit périmètre. Sur une circonférence de 80 km à peine on passe d’une ambiance « saharienne » avec la Dune du Pilat à un paysage exotique avec les yuccas du Mimbeau, d’un lagon polynésien avec les bancs de sable qui ceinturent Arguin à l’embouchure de l’Amazonie avec le Delta de la Leyre ! En ULM je me régale à chaque fois ! A bord de mon petit voilier aussi. Le Bassin d’Arcachon est un voyage autour du Monde en miniature ! C’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de mes photos portent aussi le nom d’autres endroits de la planète.

Tous ces paysages changent de forme et d’ambiance à chaque marée, et chaque saison me donne sa palette de couleurs. C’est un monde vivant et je suis donc très attentif à sa protection. C’est pour cela que je limite mon travail à un public d’initiés. Mais quand des nouveaux visiteurs viennent à la Galerie je passe beaucoup de temps à leur transmettre mes quelques connaissances pour justement les sensibiliser aux problématiques de ce territoire.

L’année dernière j’ai commencé un travail aérien plus abouti en m’intéressant aux détails, parfois abstraits, de la Nature. Des formes et des couleurs que seuls les oiseaux peuvent voir. J’en ai fait un livre que j’ai appelé « Une Autre Planète » et qui est d’ailleurs préfacé par Yann-Arthus Bertrand. Aujourd’hui je continue d’enrichir ce travail. J’ai par exemple volé cette semaine suite à la crue de la Leyre qui a provoqué un changement de couleurs de l’eau du Bassin. C’est encore une autre ambiance, que je n’avais jamais rencontré en vingt ans de photographie ici.

 

 

Te souviens-tu de ton premier passage sur la presqu’ile du Cap Ferret ?


Oula ! Cela remonte à l’enfance. Avec mon père on traversait avec la pinasse de l’UBA depuis le Moulleau. A Bellisaire on prenait le petit train pour aller à la plage de l’Horizon. Plus tard, adolescent j’ai eu mon premier dériveur, un KID (équivalent au 420) et je traversais le Bassin pour me rendre au Mimbeau. Déjà à cette époque je me sentais plus attiré par l’atmosphère beaucoup plus sauvage du Cap Ferret que l’ambiance urbanisée du Sud Bassin. C’est curieux que je ne me sois pas installé sur le Nord Bassin finalement. Aujourd’hui cela me semble impossible sur le plan financier. Même y ouvrir une galerie relève de l’exploit tant l’immobilier a explosé. C’est dommage qu’on n’ait pas réussi à maitriser ce phénomène.

 

Quel est ton village préféré sur la presqu’île ?


Sans hésiter le Mimbeau mais j’avoue que j’aime bien aussi passer la journée à l’Herbe. Avant l’arrivée massive des estivants ou juste après leur départ, quand nous reprenons possession des lieux, je viens toujours dormir une nuit à bord de mon voilier face à L’Herbe. Je prends mon paddle pour rejoindre une cabane ostréicole et je me ramène des huîtres à bord. C’est un rituel. J’aime bien aussi l’ambiance de l’Hôtel de la Plage (la partie bistro à l’intérieur). J’ai eu la chance de connaître la fin de la période « chez Magne » où l’on venait se faire « engueuler » par la patronne. C’était une autre époque, plus simple, plus authentique. Il y a d’ailleurs de plus en plus d’habitués du Bassin qui cherchent à fuir les endroits sophistiqués « branchouilles » pour retrouver l’ambiance de leurs souvenirs de jeunesse. Je croise des fois des clients très fortunés dans des lieux plus discrets et d’une grande simplicité. Ils me confient que c’est ce qu’ils recherchent désormais.

 

Tu es plutôt plage océane ou côté Bassin ? Quelle est ta préférée ?


À part quand j’étais un « drôle » où je ne me lassais pas de la plage car je m’y inventais des explorations en m’étonnant de tout, je m’ennuie assez vite sur ma serviette. J’ai eu le virus de la voile très jeune donc pour moi la plage ne s’atteint qu’en bateau au terme d’une belle navigation. L’interdiction de dormir à bord de son bateau à Arguin est un véritable crève-cœur pour moi. C’est l’exemple type d’une décision absurde qui ne règle pas le problème de la Réserve Naturelle et prive les vrais amoureux du Bassin d’une occasion d’être en symbiose avec la Nature. Je suis convaincu qu’on aurait pu procéder autrement. Mais les rapports entre les différentes communautés sont très difficiles ici. La confrontation fait partie du folklore local. C’est dommage.
Pour revenir à la question des plages, j’aurais adoré pouvoir surfer ce qui est un bon prétexte pour se mesurer aux vagues de l’océan et se faire des potes. Mais je suis un grand myope et porteur de lentilles de contact ce qui est un problème pour la pratique de ce sport. Pour conclure je dirais que pour moi la plus belle plage est celle où je me sens libre.

 

 

La meilleure adresse selon toi pour déguster des huitres ?


Franchement, se poser à l’heure du sunset à la Cabane du Mimbeau et savourer la Dune du Pilat en train de devenir rose, ça n’a pas de prix. Enfin, si … on peut dire que la douzaine d’huitres et le verre de blanc commencent à coûter cher, mais bon, même quand on n’est pas trop fortuné on peut se faire plaisir de temps en temps. J’ai eu la chance d’assister à un petit concert privé de M à cet endroit et c’était magique. Dommage que cela provoque autant de conflits avec les autorités. Je pense que les propriétaires d’AOT (autorisations d’occupation temporaire) devraient pouvoir déroger à la règle une fois par an. J’ai connu un Bassin d’Arcachon où les choses étaient moins strictes et où on était plus libres. Mais le Bassin a évolué vers la sophistication et cela rend les choses plus compliquées à gérer. Il y a plus d’abus donc moins de tolérance.
Malgré tout mon endroit préféré pour déguster des huîtres c’est à bord de On My Way, mon petit voilier (un Jouet 680), et si possible je préfère les partager.

 

Quel est ton endroit favori sur la presqu’ile ? Décris-le si tu ne veux pas dire où c’est…


Je ne vais pas le citer mais ma fascination pour les yuccas et mon attirance pour la tranquillité devrait mettre les connaisseurs sur la voie
😉
Depuis un an, j’ai décidé de ne plus taguer les lieux du Bassin sur mes publications instagram et fb. Je crois qu’il y a de vraies conséquences avec ça. Et j’encourage vraiment ceux qui aiment le Bassin et qui le respectent à faire comme moi.

 

J’ai 2 jours pour découvrir le Cap Ferret, quel programme me conseilles-tu ?


Deux jours seulement ? C’est trop peu pour capter l’atmosphère et s’imprégner. Je pense que le Cap Ferret, et plus généralement le Bassin ne se « visitent pas », il se vivent !
Mais déjà je pense qu’il faut découvrir la presqu’ile en vélo, tranquillement. Le mieux est de rouler au hasard et s’arrêter quand on sent que c’est le moment. Il vaut mieux choisir un secteur et l’explorer à fond en prenant suffisamment de temps pour le savourer plutôt que de mener une course contre la montre pour essayer de tout voir et du coup de risquer de manquer l’essentiel.
SVP arrêtez de visiter des lieux au travers des selfies sur vos smartphones et vivez plutôt l’instant ! Et si vous voulez ramener de belles photos et de beaux textes pour poursuivre chez vous le voyage, alors achetez des livres réalisés par des photographes passionnés qui savent se servir d’un appareil photo et qui vous transporteront dans leur univers en vous faisant prolonger l’expérience.

 

En tant que photographe quelle saison préfères-tu pour photographier le bassin ?


Chaque année j’attends l’été indien avec impatience. C’est le retour au calme et les lumières sont sublimes, surtout le soir. Il y a quelque chose de magique qui se produit. Même l’odeur tôt le matin ou au coucher du soleil a quelque chose d’agréable et de reposant. Je fais très peu de photos du Bassin en hiver. Je préfère voyager ou juste reposer mon esprit. Pendant l’été je ne fais généralement pas de photo. Il y a trop de monde et les lumières sont dures. Et puis surtout, je suis présent dans ma galerie à la Hume tous les jours. Il y a un temps pour tout.

 

 

Où peut-on admirer tes photos ?


Le mieux est de venir à la Galerie pour les voir en grand format car mon travail est conçu autour des détails qui ne s’apprécient pas de la même manière sur l’écran d’un iPhone ou d’une tablette. Et puis c’est l’occasion de se rencontrer et d’échanger. Sinon bien sûr mon site qui est très complet et où l’on peut commander directement mes photos et mes livres. C’est moi qui m’occupe de traiter toutes les commandes.
Je suis très actif sur les réseaux sociaux surtout Instagram. Quand je pars en ULM je fais des directs, les gens adorent s’évader un peu et interagir. Par contre, j’essaye de ne plus trop alimenter ce « streaming » gratuit de photos du Bassin. Je publie principalement des backstage et mes photos mises en situation dans la galerie ou chez les clients. Pour moi les réseaux sociaux doivent être complémentaires mais pas une fin en soi. Les « like » c’est bien, ça flatte l’égo, mais cela ne signifie pas grand-chose de vraiment sincère. On ne sait pas si les gens « like » pour la qualité de la photo ou s’ils « like » juste le Bassin… Et d’ailleurs je ne tague plus le Bassin. En opposition au slogan de la marque territoriale B’A « #le Bassin je l’aime je le partage », j’ai mis en place un autre slogan : « #Le Bassin je l’aime je ne le tague pas ! ».

 

As-tu des sites/comptes Instagram sur le Cap Ferret et le Bassin d’Arcachon à nous conseiller ?


J’aime bien le site www.infobassin.com et sa page Facebook car l’actualité y est traitée sans complaisance et avec intégrité. Je suis aussi un fidèle de Radio Cap-Ferret dont les émissions animées par Hervé Hélary sont de grande qualité et les programmations musicales vraiment top. Sinon je « follow » pas mal de comptes d’acteurs économiques du Bassin ou de personnalités. Il serait difficile de tous les citer. C’est très varié, il y a des hôtels, des restaurants, des ostréiculteurs, d’autres photographes et artistes, mais aussi des anonymes, amoureux du Bassin et du Cap Ferret qui portent un regard qui me plait sur ce qui les entoure.

 

As-tu quelque chose à rajouter ?


Oui. Je trouve que ces dernières années le Bassin est devenu un véritable « produit de consommation » et subit une exploitation commerciale assez primitive qui à terme risque de provoquer une véritable dégradation de son image. J’aimerai que nous revenions à une manière de l’aborder plus raisonnée, avec des projets de qualité et qui ont du sens.
Mais est-ce encore possible ?…
Certains en tous cas essayent comme Arcachon EcoTours qui organise des séjours autour d’activités respectueuses de l’environnement et du cadre de vie.
Promouvoir le kayak de mer ou la balade en bac à voile pour découvrir le Bassin, ça a quand même plus de sens que de déployer des hordes de jet ski et de semi rigides 2×200 cv…
Le Bassin mérite l’élégance de la simplicité.
On ne pourra pas le préserver et sauver nos libertés sans cette notion.

Merci encore Stéphane pour le temps que tu as accordé à My-capferret.com, ainsi que pour cette superbe sélection de photos toute plus belles les unes que les autres !

Pour suivre le travail de Stéphane et l’actualité de sa galerie rendez-vous sur stephanescotto.com
Je vous conseille également son compte Instagram : @scottograph

Galerie de Stéphane Scotto
13 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny
33470 Gujan-Mestras (la Hume)
Tel : 06 61 63 52 62
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